Je vous avoue être assez loin de vos préoccupations, mais je vous lis avec intérêt.
Pour revenir à Maître Andô , je pense que s'il fait couler autant d'encre, c'est que justement il s'inscrit dans un schéma tout autre; il essaie de nous faire comprendre que finalement, le bonsaï amateur a aussi ses lettres de noblesse et qu'il faut les voir ailleurs que dans la valeur vénale des arbres que nous élevons. Certes il ne vient pas enseigner gratuitement en Europe (d'ailleurs il préfère le mot transmission à celui d'enseignement), mais je ne pense pas que ses émoluments soient honteux. Je ne pense pas non plus (mais je ne le sais pas vraiment c'est certain) qu'il fasse ça pour l'argent, je sens qu'il a une véritable passion pour le bonsaï, sa symbolique, pour la présentation classique en tokonoma, pour les shitakusa etc. et qu'il éprouve un réel bonheur à nous transmettre cette passion.
Il nous communique plus qu'une simple information sur le bonsaï tel qu'il le conçoit, il fait germer en nous une vrai dépendance , y compris pour la culture de semis, de boutures et autres herbes folles. C'est un pur bonheur.
Faire fi de la valeur pécuniaire d'un arbre et projeter une mise en forme de plant de jardinerie à 15 ans sont des choses dont je ne me croyais pas capable. J'ai sans nul doute les moyens de m'offrir autant de beaux yamadori, voire de bonsaï importés du Japon que je le souhaiterais, mais à part les premiers, achetés à Jean François Busquet lorsque je suivais les cours de Maître SUZUKI, je n'en ai acheté que deux l'un à Laurent Breysse (parce qu'il a été remarquable de gentillesse et de disponibilité lors de notre expo à Nîmes) l'autre à Alain Blervaque (parce que j'accompagnais mon pote Boni qui voulait faire quelques emplettes... Je n'ai pas résisté !).
Le reste de ma collection et bien c'est pépinière, bouture, semis, rescapés de grandes surfaces, récupérations d'ex bonsaïka, et quand je les amène à Maître Andô, il les regarde avec le même regard pétillant que les yamadori. On sent qu'il les projète à plus de 10 ans et même lorsque la mise en forme est terminée, on sait très bien qu'il ne restera peut être dans 10 ans que le départ de la branche qui vient d'être formée.
Maintenant, je vous pose la question, est il nécessaire de passer par le porte monnaie pour que les arbres nous survivent ???
L'exposition publique d'un arbre n'est elle pas en soi que la recherche d'une reconnaissance (publique) qui donne une valeur faciale à l'arbre exposé ???
En ce qui concerne la transmission, j'ai déjà fait mes choix et si aucun de mes enfants ne se sent capable de prendre la suite, j'ai déjà dit à Scaloo que c'est à lui que je confierai mes arbres.
Pourquoi Scaloo ? Et bien parce que j'ai la même vision du bonsaï que lui. Je sais que si un jour je ne suis plus en mesure de m'en occuper il saura les élever dans le même esprit et les conduire encore plus loin.
Il suffit de chercher autour de soi un passionné avec lequel le courant passe et pour qui l'arbre a plus de valeur affective que financière... Il serait fâcheux que tous ces arbres soient vendus une fois le trou rebouché...
"Celui qui sait qu'il ne sait pas, éduque le. Celui qui sait qu'il sait, écoute le. Celui qui ne sait pas qu'il sait, éveille le. Celui qui ne sait pas qu'il ne sait pas, fuis le."
Se Ma-fa, Règles, IV ; IVe s. av. J.-C.
"La science mal comprise c'est pire que l'incompétence"