Débat passionnant et passionné. Je suis très respectueux de l'enseignement de Mr Ando, ayant par ailleurs quelques camarades de club qui suivent son enseignement, après avoir suivi celui de Suzuki. J'apprends ainsi par leur intermédiaire quelques rudiments de la pensée andolcienne ou suzukienne qui rejoint par certains côtés ce que je reçois comme enseignement dans les arts du budô. Ceci posé, ça fait pas avancer le schmilblick.
J'observe également que le débat se fixe sur un aspect très traditionnel de notre art, avec ses nuances certes, mais dont la finalité pourrait être la seule recherche de la perfection dans l'harmonie et la beauté.
Partant de là, je pense qu'il serait intéressant de débattre de nos différences et de nos atouts, en tant que barbares européens. Si le Japon a un passé culturel d'une richesse incroyable, très influencé par la Chine, à notre échelle nous n'avons pas à rougir de notre propre passé artistique. D'ailleurs si l'on étudie l'évolution des arts japonais, la peinture sur rouleaux par exemple, si les thèmes abordés sont restés longtemps hyper traditionnels, empreints de références au bouddhisme notamment, les techniques picturales de représentation ont été largement influencées par l'art européen dès le XVIIIème siècle. Les écoles japonaises ne cessant d'osciller ensuite entre les strictes codifications chinoises et le bouillonnement de l'ouest. Le Japon lui-même a fortement contribué à l'évolution de l'art français. Bien des artistes issus du courant impressionniste se sont proprement inspirés des estampes d'Hokusai ou d'Hiroshige, cependant que l'Art Nouveau créait une émulation aussi semblable chez les artistes japonais: peintres, ébénistes et céramistes. Tout ça pour dire que les passerelles existent depuis belle lurette entre les cultures, bien avant notre débat. Partant de là, je pense qu'il peut être intéressant pour l'évolution de notre art d'oser l'affranchissement, voire la transgression, et d'affirmer une plus grande liberté avec les codes, au principe qu'il n'est d'art qui ne puisse évoluer. Entre tradition et modernité, une autre voie peut s'ouvrir, un fois décomplexés vis à vis des références nipponnes. Après tout, l'art du bonsaï est fondé sur l'observation de la nature qui par essence se révèle créatrice et ô combien foisonnante. Le tokonama n'appartient pas à notre monde, pourquoi tenter de l'intégrer? A moins de posséder dès le berceau toute la subtilité de la culture japonaise, est-ce bien raisonnable de vouloir en appréhender toute la substantifique moelle?
Les Japonais, pas bêtes du tout, ont inventé en 1971 un art (martial), destiné à la fois aux longs nez d'occident et à leurs propres rejetons épris de culture manga : le sport chanbara, un type d'escrime japonaise moins codifiée que le kendo, mais en plus marrant. C'est dire s'ils ont l'esprit ouvert.
A titre personnel, si j'apprécie une belle présentation codifiée, avec son arsenal de tablettes, kusamono ou statues en accompagnement, très vite j'imagine les mêmes arbres dans une autre mise en scène qui correspondrait parfaitement bien à notre culture, mêlant d'autres matériaux dans une recherche esthétique tout aussi valorisante. A défaut d'être convaincantes sur les règles traditionnelles, je crois même que certaines expositions gagneraient en beauté en usant d'un esprit plus libre, simplement régi par la pureté des formes et des matériaux, introduisant bois, métal, verre, jeux de lumière ou tissus, mettant en valeur les bonsaï par la simplicité et la sobriété du traitement de l'espace et des surfaces. Et qui sait si cela ne séduirait pas mieux les Japonais, plutôt qu'une piètre imitation de leur culture.