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La culture et la formation des pins en bonsaï

Écrit par Matt

I.INTRODUCTION

I.1 Généralités

Les pins sont des arbres à aiguilles persistantes, résineux, répartis un très grand nombre d'espèces, en Europe, Amérique du nord, ou Asie ; ils se trouvent ainsi quasi uniquement sous des climats tempérés. Leurs aiguilles sont groupées par deux, trois ou cinq. C'est ainsi qu'on parlera de " pins à deux aiguilles ", ou de " pins à cinq aiguilles " : c'est le nombre d'aiguilles par gaine, attachées ensemble au rameau. Leur classification botanique est la suivante :

Classe : Gymnospermes, Ordre : Coniférales, Famille : Pinaceae, Genre : Pinus

Les Gymnospermes sont les arbres à "semence nue" ( du grec gymnos : nu, et sperma : semence), c'est-à-dire les arbres dont les graines ne sont pas protégées par un fruit, une coque, etc. Les pins sont des arbres monoïques (du grec monos, seul, et oikos, la maison), des arbres où les organes mâles et femelles " habitent dans la même maison ", sur le même plant, qui porte ainsi des fleurs mâles et femelles, et peut assurer seul sa reproduction.

Les semences des pins sont situées dans des " cônes ", appelées couramment " pommes " de pin, qui se forment généralement en deux ans, avant de s'ouvrir, et libérer leurs graines (jusqu'à une quarantaine par cône), qui, munies d'une petite ailette (semblable aux samares des graines d'érable), sont emportées par le vent. Les cônes restent en général sur l'arbre quatre ans avant de tomber. C'est en ce sens qu'on les range parmi les " conifères " : les arbres qui portent des cônes (du grec phérein, porter).

Il existe dans le genre Pinus un grand nombre d'espèces de pins, elles-mêmes groupées en sous-genres. Plusieurs classifications concurrentes sont admises ; on en trouvera le détail sur le site suivant, entièrement consacré aux pins :

http://jeanlouis.helardot.free.fr/page_pins/pins_accueil.html

A titre d'exemple, l'entreprise "Semences du Puy", qui est spécialisée en vente de semences d'arbres, propose sur son catalogue une quarantaine d'espèces de pins.

Dans la culture du bonsaï, on distingue les pins selon leurs exigences, leurs réactions à la culture en pot, et surtout, aux tailles effectuées sur leurs pousses. On distingue en général deux types de pins, les pins " forts", et les pins " faibles ". Cela n'a rien à voir avec l'état de santé de l'arbre pris individuellement : on veut distinguer par là les capacités de réaction aux tailles. En règle générale, on appelle " pin fort " un pin qui est capable, après une taille, de rebourgeonner et de produire une nouvelle pousse la même année. Les pins dits " faibles " peuvent, après une taille, produire des bourgeons, mais ceux-ci n'écloront et ne donneront une pousse que l'année suivante.

En Europe, on cultive en bonsaï plusieurs espèces de pins : les pins japonais, et les pins européens. Les trois espèces classiques du bonsaï Japonais sont les suivantes : Pinus thunbergi, ou pin noir du Japon (en japonais Kuromatsu) ; Pinus densiflora, ou pin rouge du Japon (en japonais Akamatsu), et enfin Pinus pentaphylla ou parviflora, le pin blanc du Japon, ou pin à cinq aiguilles (en japonais Goyomatsu).

Pinus thunbergi : c'est un pin à deux aiguilles qui se caractérise par une écorce sombre, très rugueuse avec l'age, des aiguilles d'un vert assez foncé, très dures, assez longues (+/-10 cm, mais pouvant être réduite en bonsaï à 3-4 cm), et qui a la particularité d'être très résistant, et de répondre avec vigueur aux tailles. On dit que c'est un " pin fort ", aux étonnantes capacités de rebourgeonnement. C'est une espèce côtière, qui s'accommode assez bien du vent, du soleil, et
d'une certaine humidité atmosphérique. On trouvera deux articles intéressants sur le pin de Thunberg dans le n° 43 de Bonsaï Today (en anglais), disponible à l'adresse suivante : http://www.stonelantern.com. Egalement, une revue des soins annuels de cette espèce dans les nos 15 à 21 de France Bonsaï (voir http://www.edgbonsaï-fr.com ). Egalement, un planning de soins est disponible sur http://www.parlonsbonsai.com/synthese-sur-le-cycle-annuel-de.html.


Pinus thunbergii - Ecole Salvatore Liporace


Pinus densiflora : c'est aussi un pin à deux aiguilles, de couleur vert tendre, longues mais moins dures, plus souples que celles du Pinus thunbergi. Il est surtout apprécié pour la beauté de son écorce, aux reflets rosés, superbe avec l'âge. C'est un pin un peu moins " fort " que le pin noir, même si
certaines variétés sont plus fortes que d'autres. On le range généralement parmi les " pins faibles ". C'est une espèce colonisatrice, qui supporte des conditions dures, des sols pauvres. On peut dire que c'est un cousin asiatique de notre Pinus sylvestris : on en trouve de magnifiques exemplaires au Japon, ainsi qu'en Corée.

Pinus parviflora : c'est le seul pin à cinq aiguilles de la péninsule : ses aiguilles sont assez courtes (3-4 cm), d'un vert parfois bleuté, avec une bande blanche (de stomates) sur la face interne. Son écorce est claire, et met beaucoup de temps à se craqueler : elle a plutôt tendance, avec l'âge, à se détacher par petites plaques, assez fines, mais ne forme habituellement pas les fissures profondes caractéristiques des pins noirs et rouges. On trouvera un article détaillé sur les diverses variétés japonaises de P.parvflora dans le n°33 de Bonsai focus (anciennement Bonsai Europe)


Pinus pentaphylla - Eric Mousqué


Les espèces européennes courantes sont les suivantes : le pin sylvestre (Pinus sylvestris), le pin à crochets (Pinus uncinata), le pin des montagnes (Pinus mugo), le pin noir d'Autriche (Pinus nigra austriaca), le pin cembro (Pinus cembra), le pin maritime (Pinus pinaster), et le pin parasol (Pinus pinea).

Pinus sylvestris : c'est un arbre à deux aiguilles, d'un vert parfois bleuté (surtout sur certaines variétés comme le P. sylvestris " Watereri ", reproduit par greffes), à la belle écorce rouge-gris qui se desquame à maturité. C'est un arbre de basse et moyenne altitude, au port élancé, à la cime aiguë, aux rameaux fins. Il est très répandu à l'état naturel en Europe, de la Sibérie à l'Espagne. Il est en général assez vigoureux, son système racinaire est assez solide : c'est un arbre qui peut reprendre, après prélèvement, avec relativement peu de racines. On le range ordinairement parmi les pins plutôt faibles, bien que certains spécimens manifestent une bonne capacité de rebourgeonnement. Un article fouillé lui est consacré par Patrice http://www.esprit-bonsaï.com ). Une série de DVD lui est consacré par un spécialiste, Laurent Breysse : "Il était une fois le pin sylvestre".


Un magnifique sylvestre de Stan Hoarau



Un sylvestre de François Jeker


Pinus mugo : c'est un arbre de montagne, qu'on trouve jusqu'aux hautes altitudes. De petites aiguilles trapues groupées par deux, légèrement courbées, vert foncé, sur des rameaux souvent aussi légèrement courbes. Un port arbustif d'une hauteur limitée. On distingue plusieurs variétés, dont une rampante, qui produit naturellement des troncs multiples, particulièrement adaptée aux altitudes les plus élevées. C'est un arbre assez faible, au système racinaire un peu plus délicat que le sylvestris.


Pinus mugo - Walter Pall


Pinus uncinata : c'est une variété de mugo. C'est un arbre d'altitude (il peut vivre jusqu'à 2750 m), et d'une longévité exceptionnelle (plus de 2000 ans). On le trouve à l'état naturel dans le Pyrénées, et dans les Alpes. Ses aiguilles sont groupées par deux, légèrement plus épaisses que celles du sylvestris, sur des rameaux également plus épais. Son port est plus massif, moins élancé que celui du sylvestris. Son écorce est grise, écailleuse à maturité. S'il a parfois du mal à s'établir en pot hors de son climat d'origine, il semble qu'une fois acclimaté, son système racinaire soit puissant, et parvienne bien à se régénérer. On le range aussi parmi les pins plutôt faibles. Patrice Bongrand propose une comparaison intéressante du sylvestris et de l'uncinata dans le n° 10 d'Esprit Bonsaï, ainsi que dans le hors série n°5 d'Esprit Bonsaï.


Pinus uncinata - Jean-François Busquet


Pinus nigra Austriaca : il est fréquemment planté en ville ou au bord des autoroutes, en vertu de sa relativement bonne résistance à la pollution... C'est un arbre droit, aux aiguilles vert sombre, longues et rigides, groupées par deux. Son écorce sombre se craquelle à maturité. Ses rameaux sont plutôt épais. A l'état sauvage, on le trouve dans les Alpes, En Allemagne et en Italie, jusqu'en Europe centrale, à moyenne altitude. C'est un arbre qui fait des pousses vigoureuses, des rameaux épais. On le considérera plutôt comme un pin " faible ". A part lorsqu'on peut en prélever, dans les Alpes italiennes ou suisses par exemple, il ne donne pas, en pépinière, de sujets très intéressants. Il y des variétés à petites aiguilles, souvent greffées.

Pinus cembro : c'est un arbre de montagne (entre 1 700 et 2400 mètres), le seul pin européen à 5 aiguilles, vert bleuté, avec une bande de stomates blanches sur la face interne. Il est adapté à des hivers très rigoureux. D'une croissance très lente, son écorce tout d'abord lisse met beaucoup de temps à se fissurer. Il se trouve à l'état naturel dans les Alpes, et dans quelques régions d'Europe centrale.

Pinus pinaster : c'est le pin maritime, à l'écorce épaisse, grise, qui devient rouge-grise et crevassée avec l'âge. La caractéristique principale de l'espèce, c'est la taille des aiguilles, groupées par deux, de 10 à 20 cm de long, ce qui rend sa formation en bonsaï plutôt délicate. On peut tout de même tenter l'aventure. Cf. l'exemple de Monique Faye. C'est un arbre qui pousse très verticalement, et dont la cime s'arrondit avec l'âge. Il se trouve sur la côte atlantique, de la Bretagne au Portugal.

Pinus pinea : c'est le pin parasol, poussant naturellement sur le bassin méditerranéen, à la belle écorce gris-rose à maturité, aux longues aiguilles vert foncé, et aux gros cônes d'où l'on tire les graines, dans leur coque : les pignons. Les jeunes sujets poussent verticalement, puis forment au bout de quelques temps un houppier circulaire. Les vieux sujets ont un houppier en forme de parasol. C'est une espèce qui n'est quasiment pas travaillée en bonsaï, pour une raison assez simple : c'est un pin qui émet, lorsqu'il est taillé, de nouvelles pousses dont les aiguilles sont juvéniles : molles, vert tendre, poussant individuellement. Les aiguilles matures (vert foncé, rigides, à deux par gaine) n'apparaissent que l'année suivante. Du coup, il est très difficile d'obtenir des aiguilles matures sur ce pin.


Pinus pinea (tentative de bonsaification)


I.2 Les particularités du pin en bonsaï

Le pin est un arbre paradoxal : c'est un arbre qui dans la nature est capable de survivre dans des conditions extrêmement difficiles, sur des terrains très pauvres et très exposés, de supporter les grands froids et le soleil brûlant de l'été. Certains pins ont supporté la rigueur des éléments pendant plusieurs millénaires, comme les fameux Pinus aristata des Montagnes Rocheuses aux Etats-Unis. Et pourtant, en pot, leur culture est délicate. En voici les raisons :

Les quatre difficultés du pin en Bonsaï :

  1. La crainte d'un substrat humide en permanence. C'est le point essentiel de la culture du pin en bonsaï : ses racines ne supportent pas de vivre dans un sol gorgé d'eau, qui reste humide trop longtemps. Il a besoin d'un sol sec et aéré. Du coup, il faut proscrire toute culture dans du terreau ou dans de l'argile de jardin. Il faut un substrat granuleux, aéré, qui sèche rapidement. Surtout, lors de longues journées de pluie, à l'automne ou en hiver, qui peuvent lui être fatales, il faut pouvoir l'abriter, sous un auvent, par exemple.
  2. Ce sont des arbres qui ne font qu'une pousse par an. Au printemps, les bourgeons commencent à grossir et à s'allonger. On les appelle alors " chandelles " (elles peuvent faire, même en pot, plus de 20 cm de long...). Puis les gaines d'aiguilles commencent à apparaître sur les chandelles, et en général en juin, les aiguilles commencent à se distinguer les unes des autres, et à s'allonger. Début juillet, la nouvelle pousse est en général établie, les aiguilles ont atteint leur taille mature. Entre juillet et septembre, se forment à l'extrémité des rameaux les bourgeons qui écloront l'année suivante. De juillet à octobre, les plus vielles aiguilles jaunissent, se dessèchent et tombent. Il n'y a donc qu'une occasion dans l'année pour faire chaque opération. Si on la rate, il faudra généralement attendre l'année suivante. Egalement, la ramification se densifie bien moins vite qu'avec un if, ou un feuillu, qui peut faire deux, trois, voire quatre bourgeonnements successifs la même année !
  3. La troisième caractéristique du pin est sa grande difficulté à rebourgeonner sur le vieux bois. Comme la quasi totalité des conifères, une branche de pin ne vit que si à son extrémité se trouvent des aiguilles vertes ; et même, dans la plupart des cas, il faut un bourgeon à l'extrémité de la branche pour en garantir la survie. Ce qui signifie que si on coupe une branche en son milieu sans laisser d'aiguilles vertes, elle meurt, dans sa totalité, sans rebourgeonner. Egalement, les pins ont en général une forte dominance apicale, c'est-à-dire que les bourgeons du sommet et de l'extrémité des branches sont bien plus forts que les autres, qu'ils inhibent par leur croissance. La végétation s'éloigne donc année après année du tronc, car les pousses intérieures bénéficiant de moins de lumière, meurent petit à petit, sans rebourgeonner. Tout l'enjeu de la culture du pin en bonsaï est de faire réapparaître des bourgeons" en arrière ", c'est-à-dire plus près du tronc ce que l'arbre ne fait pas spontanément.
  4. Enfin, la lenteur des réactions du pin : il peut arriver qu'un arbre meure en cours de saison, sans raison apparente, alors qu'il avait bien bourgeonné et commencé à pousser, après un rempotage. En fait, l'arbre était mort dès le rempotage : ses racines avaient été trop ou mal taillées, ou ont pourri dans un substrat mal adapté, et ne sont plus parvenues à alimenter l'arbre. Pourtant, celui-ci a " survécu " quelques temps, sur ses réserves, et a même bourgeonné, alors que ses racines ne l'alimentaient plus. De la même manière, on considère qu'un arbre prélevé peut survivre un an, voire un an et demi, avec des aiguilles bien vertes, alors que ses racines ne sont plus en activité. C'est pour cela qu'en général on peut être sûr qu'un arbre prélevé a repris au bout de son deuxième rebourgeonnement en caisse de culture. De même, une attaque parasitaire, ou fongique, une pourriture des racines peuvent mettre beaucoup de temps à se manifester au niveau de la masse verte. Mais alors, il est souvent trop tard. D'où l'importance d'une bonne culture, dans un bon substrat, de soins attentifs et appropriés qui vont prévenir ces risques. Une fois ces différents aspects connus, on peut cultiver ces arbres avec succès. Dans de bonnes conditions de culture, ce sont des arbres extrêmement puissants.


Pin sylvestre - Gaby Becker

II.      CONDITIONS NORMALES DE CULTURE

II.1 Exposition

Les pins non seulement apprécient, mais même ont besoin de plein soleil. Ils dépérissent à l'ombre, là où un érable ou un ficus pourraient vivre, par exemple. Dans certains cas, lorsqu'il s'agit d'arbres dans de très petits pots, on peut les mettre à mi-ombre l'été, ou sous un voile d'ombrage. Mais seulement pendant les mois les plus chauds. Ou encore enterrer les pots dans une caisse de sable, d'écorce de pin, pour éviter un dessèchement trop violent. Certaines espèces comme le parviflora, ont des aiguilles plus délicates qui peuvent parfois souffrir d'un soleil brûlant, alors que le thunbergi, par exemple, s'en accommode sans difficulté. De même, en hiver, les pins qui sont bien établis dans leur pot n'ont pas besoin de protection. Sauf en cas de très fortes gelées (- 10° ou plus bas), avec des vents glacés, où on peut les protéger en serre froide ou sous un voile d'hivernage.

II.2 Le substrat

Les pins ont besoin d'un sol aéré et drainant. Il y a beaucoup de mélanges qui leur conviennent, et que chaque amateur compose lui-même, selon sa région, et son expérience. Au Japon, les pins sont traditionnellement cultivés dans un mélange d'Akadama et de gravier (Kiryu), dans une proportion allant de 70/30 dans les régions chaudes à 30/70 dans les régions les plus fraîches et humides. En Europe, on peut utiliser ces substrats, ou les remplacer par un mélange de pouzzolane (roche volcanique poreuse), la pumice (très semblable au Kiryu), et de l'écorce de pin broyée et tamisée (qui assure une certaine rétention d'eau sans nuire au drainage).

Certains amateurs se méfient de la pouzzolane, car leur structure fait que les radicelles s'y agrippent, ce qui entraîne des risques de cassure au rempotage. On utilise aussi la zéolithe (chabazite), pure ou mélangée à de l'écorce, avec de très bons résultats. Dans le sud de la France, par exemple, où les arbres doivent affronter de longs étés chauds et secs, ainsi que des vents desséchants, et des hivers doux, il faut une bonne rétention d'eau. On pourra utiliser un mélange d'Akadama /Kiryu (50/50), ou un mélange de pumice/pouzzolane/écorce de pin broyée (40/30/30), ou encore gravier/écorce (50/50). Dans le nord de la France, où les hivers sont longs et pluvieux, les étés doux, on peut utiliser les mélanges suivants : Akadama/Kiryu (20/80), écorce/Kiryu (30/70), pumice/pouzzolane/écorce (60/30/10), gravier/écorce (80/20). Bien sûr, ces proportions restent indicatives : d'un département à l'autre, d'un jardin à l'autre, d'un endroit du jardin à l'autre, les conditions de luminosité, d'humidité et de prise au vent vont varier. Mais le principe reste le même : substrat drainant, granuleux, stable, aéré, et à la granulométrie homogène. Pour cela, il faut toujours tamiser le substrat, et éliminer les particules les plus fines (- de 2mm), et utiliser des grains de même grosseur dans tout le pot. Pour les arbres dans les pots les plus petits (shohin, mame), il est préférable de garder la même composition de substrat, mais d'utiliser une granulométrie un peu plus fine, voire d'ombrer légèrement en été.


II.3 L'arrosage

Dans un tel substrat, l'arrosage doit être maîtrisé : il faut bien laisser le substrat sécher entre deux arrosages, mais arroser abondamment dès qu'il est sec, ne pas attendre un jour de plus. Le pin pardonnera une sécheresse passagère, alors qu'il ne tolérera pas un bain prolongé. La qualité, l'acidité de l'eau n'est pas essentielle, bien qu'il arrive que certains pins souffrent de carences liées à une eau trop alcaline. L'eau de pluie, ou de source à température ambiante est toujours préférable. Les pins apprécient beaucoup la rosée nocturne, ainsi que les pluies d'été. Quand on l'arrose, on veillera à bien mouiller les aiguilles : elles ont une grande capacité d'absorption. Egalement, un arbre dont les racines ont été affaiblies (prélèvement, rempotage, transport...) bénéficie beaucoup d'une vaporisation ou arrosage en pluie fine sur ses aiguilles, même en pleine journée.

II.4 La fertilisation

En bonsaï, les pins poussent dans un substrat neutre, sans éléments nutritifs. C'est pour cela qu'il faudra fertiliser le substrat, c'est-à-dire le rendre fertile, par l'apport d'éléments qui vont l'enrichir, et permettre à l'arbre de trouver les éléments nutritifs dont il aura besoin. Ceux-ci seront apportés par la décomposition d'éléments organiques par des micro-organismes vivants dans le sol. C'est donc un engrais organique qu'il faudra apporter, pour favoriser la vie de ces micro-organismes, qui permettra au substrat d'être nourrissant en continu et disponible en permanence pour l'arbre. Alors qu'un engrais chimique " engraisse ", c'est-à-dire apporte des nutriments directement assimilables, mais de manière brutale et discontinue. Comme on le dit souvent entre amateurs de bonsaï : mieux vaut manger équilibré chaque jour que se faire un festin une fois par semaine... En règle générale, l'engrais chimique ne doit être utilisé que comme un apport supplémentaire, pour favoriser la pousse d'un arbre en formation. Mais à dosage prudent, car les racines des pins sont assez sensibles. Comme le conseille Laurent Breysse, on pourra utiliser des boulettes d'Osmocote, à libération lente. Dans les autres cas, l'arbre devra recevoir un apport régulier d'engrais organique, du débourrement des bourgeons, à fin novembre. On dépose sur le sol, tous les 2 cm, des boulettes d'engrais organique (type Biogold, par exemple), qui se décomposent lentement, dès que la température permet l'activation des micro-organismes dans le sol (vers 12°C), et nourrissent ainsi les racines à chaque arrosage. On les change en règle générale tous les 4-6 semaines. S'il pleut beaucoup et qu'on n'a pas enlevé les boulettes, elles se décomposeront plus vite. Il faut faire attention, lorsque les boulettes se désagrègent, à bien les enlever, avant qu'elles ne froment à la surface du substrat une croûte qui nuirait un drainage et à l'aération du sol. On peut alors les placer dans de petits paniers ajourés en plastique importés du Japon, qui évitent que l'engrais s'étale sur le sol. On peut aussi préférer un apport d'engrais organique liquide à chaque arrosage, à dosage proportionnel.

Les pins sont des grands consommateurs d'engrais. Ils en ont besoin pendant toute leur période de croissance : au printemps, pour soutenir l'éclosion des chandelles ; au début de l'été, pour nourrir les jeunes aiguilles. Au cours de l'été, lorsque l'arbre fabrique ses bourgeons de l'année suivante. A l'automne, jusqu'en novembre, où l'arbre fait ses réserves pour l'hiver et le printemps suivant. On comprend alors que l'arbre commence sa pousse de printemps grâce à l'énergie accumulée l'année précédente. Les effets de la fertilisation de l'année X se feront sentir véritablement sur la pousse de l'année X+1. La fertilisation d'été et d'automne est donc essentielle. Sur un arbre mature, on aura même intérêt à ne donner d'engrais qu'au début de l'été, pour que l'arbre fasse sa pousse avec ses seules réserves, et ainsi ne produise pas d'aiguilles trop longues. On fertilisera bien à partir de l'ouverture des aiguilles, pour lui donner des réserves pour l'année suivante.

III. LE REMPOTAGE

III.1 Généralités

C'est une opération toujours délicate, mais qui demande sur le pin encore plus de prudence que sur les feuillus, voire que sur d'autres conifères. Le meilleur moment pour la réaliser est, comme pour tous les arbres, au printemps, au moment où les bourgeons commencent à grossir, mais avant qu'ils ne se transforment en chandelles. On peut également procéder à un rempotage d'automne (septembre-octobre), à condition de protéger impérativement des arbres du gel (serre maintenue hors gel) Le but du rempotage est double : renouveler le substrat qui aurait perdu ses propriétés, de drainage en particulier (substrat tassé, aération diminuée par les dépôts d'engrais organique), et rajeunir le système racinaire (éliminer les racines mortes et pourries, tailler les racines pour les ramifier et ramener plus près du collet les radicelles nourricières).

Le drainage est la qualité essentielle du substrat des pins : les racines sont très sensibles à la pourriture par excès d'eau stagnante. Le rempotage s'impose donc au moment où l'on sent que l'eau d'arrosage ne s'écoule pas assez vite, a du mal à pénétrer dans le substrat, et que le substrat ne sèche pas assez vite. Egalement, il s'impose surtout avec un arbre qui n'est pas dans un substrat approprié (arbre prélevé, ou acheté en pépinière, ou bonsaï dans un substrat d'importation médiocre).

Avant de commencer l'opération, il convient bien sûr d'avoir préparé le substrat et le pot dans lequel on va rempoter l'arbre, avec les grilles de drainage fixées, et le fil d'ancrage en place.

III.2 Observer la motte

On commence par extraire du pot le pain racinaire, en l'endommageant le moins possible. Si l'on trouve sur les racines un réseau de filaments duveteux blancs, qui dégage une odeur de champignons, c'est très bon signe : il s'agit de champignons qui vivent en symbiose, en association avec les racines : ils plongent dans tout le substrat et apportent aux racines l'eau et des nutriments qu'ils trouvent. En échange, ils puisent dans les racines des sucres nécessaires à leur survie. On nomme ce phénomène d'association racines/champignons la " mycorhize ". Les racines des pins tirent grand bénéfice de cette association, comme beaucoup d'autre arbres d'ailleurs (en particulier les chênes, les charmes, etc.). Si ces mycorhizes s'y trouvent, il faut tâcher de les réintroduire dans le nouveau substrat, en conservant des éléments de l'ancien, contenant ces champignons. S'ils ne s'y trouvent pas, on peut en introduire artificiellement : des spores sont disponibles dans les magasins spécialisés en bonsaï (www.maillot-bonsaï.com, par ex.), ou, plus simplement, en introduisant dans le substrat des miettes d'écorce de pin fraîche, dont le compostage va inciter l'apparition des champignons. De toute manière, la décomposition des racines mortes dans le substrat entraînera à terme l'apparition de mycorhizes.

III.3 Eliminer l'ancien substrat

Ensuite, il faut délicatement débarrasser les racines de l'ancien substrat, en s'aidant de baguettes en bambou (baguettes de restaurant asiatique), en abîmant le moins possible les racines. C'est là qu'il faut être très prudent, car les racines du pin sont fragiles et cassantes. Il ne faut pas tirer sur les racines, au risque de les casser, mais faire tomber le substrat, et démêler doucement les racines. C'est une opération qui peut être longue ! Il ne faut pas la faire en plein soleil et en plein vent, car les racines y sont à nu. Ne pas hésiter, au bout d'un moment, à les asperger légèrement à l'aide d'un brumisateur, pour éviter qu'elles ne se dessèchent.

Si c'est un rempotage classique, d'un arbre qui est déjà dans un pot à bonsaï, dans un substrat approprié, il ne faut pas débarrasser les racines de tout le substrat, mais seulement le tiers extérieur. Surtout, c'est le dessus de la motte qu'il faut enlever, ou le substrat est souvent tassé, colmaté par des débris d'engrais.

Si c'est un arbre de pépinière qui pousse dans un substrat inadapté (terreau d'écorces décomposé, par ex.), il faut enlever le maximum de substrat, pour assurer le meilleur drainage, et ne pas laisser au centre de la motte un paquet de terreau spongieux qui ne sèchera jamais. C'est une opération risquée, mais nécessaire.

Au pire, si c'est impossible, laisser une partie de l'ancien substrat, et se promettre de l'enlever au prochain rempotage (il faut alors faire attention à l'arrosage jusque là). Si c'est un arbre qu'on a prélevé et dont on a placé la motte en pot de culture entourée de substrat drainant et qui a bien repris (deux-trois ans au moins), il faut délicatement enlever le substrat (souvent argileux) entre les racines, à la baguette, en essayant de casser le moins possible de radicelles.

Quoi qu'il en soit, il est vivement déconseillé d'enlever tout le substrat d'un coup sur des pins de plus de deux-trois ans. Surtout, il faut éviter autant que possible de les passer au jet d'eau, comme on le ferait sur les racines des feuillus pour les débarrasser de tout l'ancien substrat.

III.4 Tailler les racines

Une fois l'ancien substrat en partie enlevé, démêler les racines, en préservant les radicelles. En observant les racines, on distingue des parties noires, des parties marron, et des parties blanches. Les parties blanches, situées aux extrémités, sont les radicelles actives, essentielles à la survie de l'arbre. Les parties marron sont les canaux de circulation, mais ne puisent pas. Les parties noires sont mortes et pourries.

Il faut alors couper et enlever les racines mortes, et si besoin est tailler les racines vivantes. Mais attention : pour la taille des racines, la même règle prévaut que pour la taille de la partie aérienne : on ne taille jamais au dessous d'un bourgeon, on ne laisse jamais une branche sans bourgeon. De même, pour les racines, on ne taille que si on est sûr de laisser une partie blanche active en arrière de la taille : si on ne laisse que du marron, il y a peu de chance que l'on fasse émerger des radicelles en arrière du point de taille. Cela implique donc qu'il ne faut surtout pas tailler " dans le tas ", comme on peut se permettre de le faire à la rigueur avec un feuillu. Il faut sélectionner racine par racine. Ainsi, on est parfois obligé de laisser de longues racines, parce qu'on n'a pas dessus de radicelles de remplacement en arrière. On espère qu'au cours des prochaines saisons de pousses, de nouvelles radicelles vont apparaître, et permettre une taille au prochain rempotage. Comme pour tout rempotage, on tente de tailler au plus court les racines verticales, et de favoriser la pousse et la ramification des racines horizontales, pour former le nebari

III.5 Placer l'arbre dans le nouveau substrat

Une fois la taille effectuée, il faut placer l'arbre sur le monticule de substrat au bon endroit dans le pot, en position en général décentrée (surtout pour les pots rectangulaires et ovales). Bien répartir les racines de manière étoilée, quitte à les maintenir en position en utilisant de petits morceaux de baguette de bambou comme cales. Bien fixer l'arbre à l'aide des fils d'aluminium passés par les trous du pot, pour qu'il ne bouge plus. Ne pas hésiter à protéger les racines par un morceau de caoutchouc, de mousse plastique ou de chambre à air. Puis faire pénétrer délicatement le substrat entre les racines, à l'aide d'une petite baguette en  bambou. Rajouter progressivement le substrat en s'assurant à chaque fois qu'il ne reste pas de poche d'air entre les racines. Arroser abondamment, jusqu'à ce que l'eau sorte claire des trous de drainage.

III.6 Soins post-rempotage

Placer l'arbre en situation lumineuse, mais abritée du soleil brûlant. Si le temps n'est pas caniculaire, on peut laisser le pin rempoté au soleil. Mais comme ses racines ne sont pas en mesure de nourrir parfaitement l'arbre, veiller à bassiner les aiguilles à l'eau claire, plusieurs fois par jour ; attention aussi à ne pas trop arroser le sol, qui ne doit pas être saturé d'eau, car l'arbre boit moins que le normale. Attendre que le substrat ait séché en surface. Pour aider le pin nouvellement rempoté, on peut ajouter à l'eau d'arrosage (dès le premier arrosage) et de bassinage du Tonus V (voir " gamme bonsaï "/" régénérant " chez http://soins.sante.bonsaï.free.fr/)ou du Superthrive (http://www.superthrive.com/), solutions de vitamines et d'hormones qui stimulent la pousse racinaire. Au bout d'un mois, arrêter ce traitement, qui devient inutile lorsque le nouveau système racinaire s'est établi, et qui pourrait provoquer des phénomènes d'accoutumance. Par mesure de prudence, il vaut mieux éviter de faire un mestumi et un mekiri l'année du rempotage : il faut laisser l'arbre reprendre vigueur

IV.       TECHNIQUES DE FORMATION ET D'ENTRETIEN

Former un pin en bonsaï implique de maîtriser un certain nombre de techniques, qui visent à réaliser les objectifs suivants :

  1. Equilibrer la force des pousses sur les différentes parties de l'arbre.
  2. Faire apparaître des bourgeons sur le vieux bois, afin de densifier le feuillage, et/ou de le remplacer.
  3. Réduire la taille des aiguilles.

En effet, les pins ont des particularités de pousse qu'il faut connaître et prendre en compte :

  • la dominance apicale : c'est la tendance naturelle de l'arbre à voir ses pousses du sommet et de l'extrémité des branches à surpasser en force les branches basses et intérieures. Si l'on ne contrarie pas cette tendance, les branches basses et intérieures, moins exposées à la lumière, vont dépérir.
  • Le pin ne bourgeonne pas spontanément sur le vieux bois : le feuillage vit en bout de branche, les aiguilles restent trois-quatre ans sur les branches, puis brunissent et tombent. Le vieux bois reste nu, à l'ombre du jeune feuillage. En bonsaï, nous cherchons à avoir une végétation proche du tronc, compacte et fournie au cœur des branches, pour suggérer un large plateau de feuillage.
  • La tendance qu'ont la plupart des pins à produire de longues aiguilles (surtout sur les parties fortes), disproportionnées par rapport à la taille du bonsaï.

Pour contrôler ces points, il faut mettre en œuvre les techniques suivantes. Décrivons-les avec leur effet respectif, nous verrons ensuite comment et quand les associer.


Pin sylvestre - Alain le Belge

IV.1 Le pincement des chandelles, ou "metsumi"

On nomme "chandelle" le bourgeon du pin qui au printemps s'allonge, avant que les gaines d'aiguilles n'apparaissent. Pincer les chandelles signifie briser une partie de la chandelle avec les doigts, en saisissant la base de la chandelle avec le pouce et l'index d'une main, et en faisant pivoter sur lui-même le haut de la chandelle avec le pouce et l'index de l'autre main, pour qu'il se détache proprement. On brise en général les 2/3 des chandelles fortes, 1/3 des chandelles moyennes, et pas du tout les chandelles faibles.
Ce pincement est nommé " metsumi " par les Japonais, c'est-à-dire " section de la toute nouvelle pousse verte ". Le metsumi a pour fonction de stopper la pousse : la chandelle pincée va s'ouvrir progressivement, mais moins vigoureusement que si on l'avait  laissée pousser naturellement. Du coup, les autres pousses non pincées vont bénéficier de l'énergie que la pousse pincée ne consomme pas. Voici pourquoi on pince plus fortement les pousse plus vigoureuse, en général avant les pousses moyennes. Ce pincement peut faire apparaître à la base de la chandelle pincée, de nouveaux bourgeons, qui étaient dormants, et ont été ainsi
stimulés.

Attention : comme ce pincement freine la pousse de la branche et diminue sa vigueur, il ne faut pas l'effectuer sur une branche ou sur un arbre qu'on veut faire grossir et forcir. En général, ce pincement est fait sur les arbres déjà formés, dont on veut maintenir la forme et l'équilibre. En particulier, ce n'est pas une opération bénéfique pour un arbre que l'on vient juste de rempoter : car c'est justement l'activité de ses bourgeons qui va stimuler la pousse racinaire !


IV.2 Le désaiguillage arrière

Comme on l'a vu, le pin produit chaque année de nouveaux rameaux, avec une nouvelle série d'aiguilles, qui font de l'ombre à celles des années précédentes. Ces dernières deviennent de plus en plus ternes, et consomment de l'énergie sans être vraiment utiles à l'arbre. Elles dépérissent petit à petit, laissant l'intérieur de l'arbre sans feuillage, et trop à l'ombre pour que de nouveaux bourgeons apparaissent. Or en bonsaï, nous cherchons justement souvent à produire ce " bourgeonnement arrière ", c'est-à-dire à stimuler l'éclosion de bourgeons sur le vieux bois, afin de produire des pousses qui vont permettre de densifier le feuillage, ou de recréer des branches trop longues, ou mal placées. Pour cela, il faut enlever les vieilles aiguilles, de deux ans ou plus, pour permettre au soleil de venir réchauffer les rameaux, et réveiller les bourgeons dormants. L'énergie qui était consommée par les vieilles aiguilles profitera ainsi aux nouveaux bourgeons.

On peut enlever ces vieilles aiguilles en les tirant à la main, une par une. On peut aussi les couper avec des ciseaux bien aiguisés, à 3 mm de leur point d'attache. C'est moins fastidieux. La base de la gaine d'aiguilles va sécher et tomber, sans risque  d'endommager les bourgeons dormants. On fait en général cette opération d'août à septembre, au moment où l'arbre commence à avoir des réserves, où les bourgeons de l'année suivante se forment, et où la lumière est encore suffisante pour stimuler l'apparition de bourgeons. Pour équilibrer la force des rameaux, on enlève, sur un arbre en forme, toutes les vieilles aiguilles sur les parties fortes (plus quelques unes de l'année sur les parties très fortes) ; on enlève les vielles aiguilles sur les parties moyennes, et on ne touche pas aux parties faibles. Comme cela, la circulation de sève va s'équilibrer petit à petit.

On remarquera qu'après un désaiguillage, l'arbre, qui a perdu beaucoup de sa masse verte, boit moins. Attention à adapter l'arrosage. Lorsque les nouveaux bourgeons apparaissent, ils sont encore faibles. Il faut attendre qu'ils se soient établis (1 an ou 2) pour supprimer l'extrémité du rameau où ils se trouvent et ainsi leur permettre de prendre le relais.


IV. 3 La sélection des bourgeons

Lorsque les nouveaux bourgeons apparaissent, sélectionner rapidement ceux qui sont à garder, et éliminer les autres. Pour les bourgeons qui apparaissent à l'extrémité du rameau, on n'en conserve que deux : sur les branches fortes, on conserve les deux plus faibles. Sur les branches faibles, on conserve les deux plus forts. Si l'on veut faire pousser et grossir la branche, on conserve un troisième bourgeon, comme tire-sève, qu'on sectionnera par la suite. On essaie de conserver des bourgeons qui poussent à l'horizontale, et on élimine ceux qui poussent verticalement, vers le haut ou vers le bas. Conserver trois rameaux qui partent du même point est une erreur, car cela ne donnera pas une impression de ramification mature. Et cela produira un grossissement du point d'attache des rameaux.


IV.4 La taille des pousses matures, ou "mekiri"

Lorsqu'on procède au pincement des jeunes pousses, ou metsumi, on freine la pousse, mais on ne stimule pas vraiment l'apparition de nouveaux bourgeons, car la jeune pousse n'a pas eu le temps de faire des réserves. Quelques uns peuvent apparaître à la base de rameau pincé, mais ce n'est pas spectaculaire.

Une méthode efficace pour stimuler le rebourgeonnement arrière consiste à tailler aux ciseaux la pousse de
l'année lorsque celle-ci est arrivée à maturité, ce qui arrive en général fin juin début juillet. Là, les aiguilles se sont ouvertes et bien développées, le rameau est en pleine activité et commence à se lignifier. Le tailler à cette saison va signifier l'élimination du bourgeon apical, et ainsi désinhiber les bourgeons dormants à l'arrière.

Pour le pin noir du Japon, qui est un pin fort, on taille droit, au ciseaux, la nouvelle pousse dans sa totalité, au dessus des aiguilles de l'année précédente, en laissant quelques mm de la nouvelle pousse, sans aiguilles, pour éviter le retrait de sève. On le fait en deux étapes : on commence par sectionner les pousses de vigueur moyenne. Dix jours plus tard, environ, on sectionne les pousses fortes. De la sorte, les pousses moyennes auront pris un peu d'avance dans leur rebourgeonnement. On ne touche pas aux pousses faibles.

On peut même raffiner ce rééquilibrage en désaiguillant totalement les pousses fortes (sans les tailler), au moment où l'on sectionne les pousses moyennes : comme cela, ces dernières prendront encore plus d'avance sur les pousses fortes, qu'on taillera dix jours plus tard. On verra dans les semaines qui suivent de nouveaux bourgeons apparaître à l'endroit de la taille, et également en arrière. Il faudra là aussi sélectionner les bourgeons (voir IV.3).

Pour les autres pins, considérés comme des pins faibles, il faut être plus prudent : ils réagissent moins vigoureusement à la taille. On taille alors au milieu de la pousse de l'année, en laissant trois ou quatre paires d'aiguilles nouvelles comme tire-sève. On commence par les pousses fortes, et 10-12 jours plus tard, on taille les pousses moyennes. Là non plus, on ne touche pas aux pousses faibles. Le rebourgeonnement n'est pas aussi vif qu'avec le Pinus thunbergi. Du coup, les bourgeons risquent d'être encore fragiles quand l'hiver arrivera. On peut alors attendre, et faire cette taille à l'automne, début septembre.

Les bourgeons apparaîtront au printemps suivant. Les Japonais appellent cette taille " mekiri ", c'est-à-dire taille des pousses matures. Celle-ci a pour rôle de stimuler l'apparition de nouveaux bourgeons en arrière ; et elle est d'autant plus efficace qu'elle intervient quelques temps après un désaiguillage, quia aéré les rameaux.

Cette taille n'aura bien sûr l'effet escompté que si l'arbre est en bonne santé, et bien fertilisé. Le mekiri est une intervention qui force la branche à faire un second bourgeonnement dans l'année. C'est donc une opération assez épuisante, qu'il faut pratiquer sur les pousses fortes et moyennes de l'arbre, pas sur les pousses faibles. Egalement, on évite de le faire sur un arbre fraîchement rempoté, à moins qu'il donne des signes de grande vigueur.


IV.5 Ligaturer et haubaner

Il faut régulièrement ligaturer et/ou haubaner les branches pour les positionner, et les " ouvrir ", c'est-à-dire les répartir de façon aérée, en les espaçant les unes des autres pour que l'air et la lumière atteignent toutes les parties de l'arbre et favorisent le rebourgeonnement. On ligature traditionnellement les pins avec du fil de cuivre recuit, beaucoup plus rigide que le fil d'aluminium, ce qui permet de ligaturer des branches avec un diamètre de fil plus fin que l'aluminium. En règle générale, on peut déterminer le bon diamètre de fil en prenant une portion de 10-12 cm de fil et en appuyant l'extrémité du fil sur la branche. Si la branche ploie et pas le fil, c'est que le diamètre du fil n'est pas trop fin.

On peut ligaturer à l'automne ou à la fin de l'hiver, c'est une saison où la sève circule moins qu'au printemps et en été. Du coup, on risque peu de pertes de sève.

Surtout, on ne risque pas d'abîmer les jeunes bourgeons. Mais on peut aussi ligaturer en juin : les branches y sont plus souples, et les fissures cicatrisent plus vite. Il faut alors protéger les branches avec du raphia mouillé très serré avant de poser le fil, et être très précautionneux avec les bourgeons.

On laisse ne général la ligature 1 an ou 2, selon la vigueur de l'arbre. Mais surtout, il faut vérifier régulièrement, pendant la saison de pousse, que le fil ne s'incruste pas dans l'écorce.

On entend parfois dire qu'il faut toujours ligaturer l'extrémité des pousses en les relevant vers le haut ; ce n'est pas une nécessité : cela favorise en tout cas la vigueur des bourgeons terminaux, mieux exposés au soleil, mais au détriment des bourgeons arrière. Dans la plupart des cas, les chandelles se redresseront d'elles-mêmes vers le haut, et donneront au bout du compte une meilleure ondulation à la branche.


IV.6 Jin et shari

Les pins dans la nature présentent souvent des portions de bois mort : branches basses qui dépérissent par manque de lumière, portions de tronc et branches qui se déssèchent sous l'effet de vents glacés ou de chutes de neige ou de pierres, etc. Il est donc tout à fait sensé de retrouver ces éléments en bonsai. Mais il faut que cela soit pertinent par rapport au style et au projet de l'arbre. Il serait assez étonnant de trouver un shari (portion de tronc dont l'écorce est morte) spectaculaire sur un arbre droit et calme, qui évoque un paysage de plaine. De même, il serait étonnant, sur un ronc penché ou très courbé, de trouver un shari sur la partie inférieure, face au sol. Le bois mort indique toujours les traces d'une lutte avec les éléments. Et témoigne de l'endurance de l'arbre. En ce sens, les Japonais ont coutume de présenter des bois morts sur les P. parviflora, et P. densiflora, mais rarement sur les P. thunbergii, qui évoquent symboliquement la force virile du Samouraï : celui-ci doit ainsi " se montrer sans blessures ". Néanmoins, il arrive que l'on en trouve sur certains arbres de la Kokufu-Ten ou d'autres expositions prestigieuses. La règle sera donc de ne pas abuser du bois mort, de veiller à ce que sa présence et son aspect soient cohérents avec le projet global de l'arbre. Enfin, que le bois mort n'accapare pas l'attention au détriment des autres parties de l'arbre.

Pour créer un jin (branche écorcée), on sectionne l'écorce au ras de la branche avec la pince à branches, puis on enlève l'écorce, par exemple avec la pince à jin. On peut aussi, pour donner l'impression d'une déchirure naturelle, continuer un peu l'écorçage sur le tronc sous l'écorce. Puis on casse l'extrêmité de la branche afin de créer une impression de cassure naturelle.

Pour le shari (tronc écorcé), on délimite la portion de tronc à écorcer, puis on désécorce avec un cutter ou un couteau bien aiguisé, en veillant à ce que la coupe soit nette mais pas trop rectiligne.

On peut ensuite traiter le bois mort en le bûlant avec un chalumeau fin. On brosse ensuite avec une brosse de nylon humidifiée. On peut appliquer ensuite, sur bois humide, du liquide à Jin, qui blanchit, durcit et désinfecte. Pour atténuer la blancheur artificielle de ce produit, on peut y mélanger un peu de gouache noire ou d'encre de Chine. Au lieu de repasser trop souvent les bois morts au liquide à Jin, on peut se contenter de pulvériser une solution de liquide à Jin (proportion 1:20) à la fin de l'hiver sur tout l'arbre : cela a une fonction insecticide et fongicide (soufre), et donne un aspect plus naturel, moins contrasté à l'écorce et aux bois morts.

IV.7 Applications concrètes

Maintenant, voyons dans quel cas appliquer ces techniques, et comment les conjuguer. La première règle de la culture des pins, c'est : " un seul travail à la fois ". La pire erreur serait de vouloir la même année rempoter, pincer, désaiguiller, tailler et ligaturer. Dans la plupart des cas, l'arbre en périra. Dans le meilleur des cas, il en ressortira extrêmement affaibli, et aura besoin de plusieurs années de bons soins pour reprendre vigueur.

Par prudence, l'année d'un rempotage, il ne faut pas faire de metsumi, qui freine la vigueur des pousses, et donc la production de racines. On peut, à la rigueur, enlever les vielles aiguilles en fin de saison et faire un mekiri léger sur les pousses les plus fortes. Voici quelques cas fréquemment rencontrés.


Pin sylvestre - François Gau

IV.7.1 Un bonsaï mature

C'est un pin bien formé, bien enraciné dans son pot, dans un bon substrat. Il est placé en plein soleil. Sa forme est établie, il s'agit de le maintenir en forme, en contrôlant l'équilibre des pousses. Autant dire tout de suite que c'est un cas relativement rare !! D'autant plus qu'il ne reste jamais très longtemps à ce stade : les branches forcissent, la ramification se densifie et doit être refaite périodiquement. C'est un stade passager de la vie de l'arbre, et non un état d'aboutissement définitif.


Pour les pins faibles : au débourrement, peu ou pas d'engrais ; un metsumi sur les pousses les plus fortes, pour les aligner sur les autres. Au moment où les aiguilles apparaissent, espacer un peu plus les arrosages, pour qu'elles ne s'allongent pas trop. Commencer à donner de l'engrais (boulettes) lorsqu'elles se sont bien ouvertes (vers début juillet). Au lois d'août, désaiguiller : sur les branches fortes, enlever toutes les aiguilles des années précédentes. Sur les moyennes, laisser une ou deux paires de l'année précédente. Sur les faibles, ne rien enlever. Si l'arbre est bien vigoureux, on peut faire un mekiri en septembre (pas sur les pousses faibles), en commençant par les pousses fortes, et en poursuivant une dizaine de jours plus tard par les pousses moyennes. On ne touche pas aux pousses plus faibles. Laurent Breysse conseille même d'attendre novembre pour faire le mekiri. On peut également ligaturer légèrement les petits rameaux pour les remettre en place en fin de saison. Par mesure de prudence, il ne faut pas vouloir coûte que coûte faire un mekiri chaque année ; il faut laisser un an sur deux ou sur trois l'arbre " filer ", savoir le " lâcher ", comme dirait Patrice Bongrand, pour qu'il reprenne vigueur, et réponde ensuite bien aux travaux. Encore une fois, il ne faut travailler qu'un arbre en pleine vigueur. Sinon, le cultiver (arrosage, soleil, engrais) en attendant qu'il reprenne des forces.

Pour les pins noirs du Japon (pin fort) : Ce sont des arbres naturellement très vigoureux, capables de faire spontanément un second bourgeonnement en été. De même, après la taille, ils émettent de nouveaux bourgeons, qui donne une seconde pousse. Au printemps, metsumi sur les chandelles les plus fortes. Au début de l'été, vers début juillet, mekiri : commencer sectionner totalement les nouvelles pousses moyennes. Au même moment, sectionner toutes ou presque toutes les aiguilles sur les pousses fortes. Une dizaine de jours après, sectionner les pousses fortes entièrement. Ne pas toucher aux pousses faibles. Lorsque les nouveaux bourgeons apparaissent, en août, procéder à une sélection : ne conserver que deux bourgeons par point d'insertion, de préférence placés horizontalement à l'extrémité de la branche. Dans les zones fortes de l'arbre (apex et extrémités des branches), on conserve les bourgeons les plus petits, dans les zones faibles, on ne conserve que les bourgeons les plus forts. Entre septembre et décembre, désaiguiller : couper aux ciseaux, à leur base, les vieilles aiguilles. En laisser deux ou trois paires sur les branches fortes, un peu plus sur les branches faibles, pour rééquilibrer. A partir de septembre jusqu'en mars, on peut ligaturer, éliminer des branches en surnombre. A ce propos, il n'est pas nécessaire d'utiliser du mastic. L'eau d'arrosage solidifie la résine qui s'écoule des plaies de taille. Alors que le mastic a tendance à maintenir la résine liquide.

IV.7.2 Un bonsaï dans un mauvais substrat

C'est un bonsaï établi, voire un pré-bonsaï, qui est acheté dans un mauvais substrat, insuffisamment drainant : dans de l'akadama qui s'est délitée, tassée et compactée, ou encore dans de l'argile d'importation chinoise. Sa pousse est médiocre, car les racines ne peuvent pas bien respirer et se développer. L'objectif premier est de l'établir dans un bon substrat, afin qu'il reprenne vigueur, et puisse ensuite répondre aux travaux. Le rempotage peut être délicat : peu de racines actives, un pain racinaire compact. S'il s'agit d'akadama encore un peu granuleuse, on peut l'enlever entièrement à la baguette. Mais pour l'argile, la seule solution sera de l'enlever entièrement au jet d'eau, pas trop fort, pour ne pas casser les radicelles. Mais il faut débarrasser la motte de toute cette argile spongieuse et collante. C'est un travail délicat, mais essentiel, car il serait dangereux pour l'arbre d'avoir la moitié de son substrat composé d'argile collante, et l'autre de substances granuleuse, qui sècherait beaucoup plus vite. A ce stade, on essaie de ne tailler aucune racine vivante : il faut assurer la reprise. On élimine toutes les parties mortes. On laisse pousser au moins un an librement, avant toute autre intervention. Cette intervention peut se faire au printemps, de préférence ; ou en automne, en septembre. Le faire plus tard en hiver nécessitera de garder l'arbre dans une serre lumineuse hors-gel.

IV.7.3 Un arbre de pépinière classique, en container de culture

Il s'agit d'un arbre qui a souvent été cultivé en pleine terre, et qui se retrouve planté en container de plastique, dans un terreau plus ou moins compact, plus ou moins agrémenté d'écorces compostées, qui n'est pas propice à l vie des racines à long terme, surtout dans les régions humides. Son avantage est que le pépiniériste n'a pas à l'arroser trop souvent. Il s'agit surtout d'un arbre jeune, fortement engraissé, aux entrenœuds longs, et aux branches souvent droites, au nebari non travaillé ; ce qui ne fait pas a priori de lui un très bon candidat à la bonsaïfication. Sans parler du point de greffe très laid sur beaucoup d'exemplaires du commerce. Dans la plupart des cas, ce sont des arbres qui ne pourront donner de bons résultats. Toutefois, si l'on trouve un exemplaire intéressant et sain, il faut bien vérifier l'état de la motte : on doit y voir des radicelles blanches, et si possible, la présence de champignons mycorhidiens. Si l'arbre est sain, on peut à l'automne couper les branches inutiles. Et on rempote dès que possible. On laisse bien sécher la motte, et on débarrasse les racines de l'ancien substrat, à l'aide d'une baguette de bambou, en prenant les plus grand soin des radicelles blanches. Lors de ce transpotage, il faut seulement éliminer les racines mortes et pourries. Rempoter dans un substrat bien drainant, et attendre une année au moins avant toute autre intervention.

IV.7.4 Un arbre à prélever

Il s'agit d'un arbre qui a poussé plus ou moins naturellement en pleine terre, ou dans une poche de terre sur une roche, et que l'on souhaite acclimater en pot pour en faire un bonsaï. Le prélèvement est sans doute l'opération la plus délicate avec le pin, qui demande le plus de doigté et de patience. Des amateurs et des professionnels en ont fait leur spécialité en France, en développant des techniques variées, adaptées à chaque espèce et aux particularités des sites de prélèvement. Quoi qu'il en soit, il faut obligatoirement disposer d'une autorisation du propriétaire du terrain pour procéder au prélèvement.

Le prélèvement se fait en automne ou au printemps, selon les régions et les moyens de protection ultérieure dont on dispose. Dans les régions chaudes, dans le sud de la France, par exemple, on prélève plutôt à l'automne, car les hivers y sont plutôt doux, mais les étés très chauds et secs : un arbre prélevé en mars devrait endurer chaleur et sècheresse très rapidement. Alors que fin août-début septembre, les racines sont encore actives, l'arbre a des réserves, qui lui permettront de refaire ses racines avant les grands froids. Il faudra le protéger du gel, en serre froide, et le vaporiser le plus souvent possible. L'idéal pour la reprise est une atmosphère chaude et très humide, protégée du vent et du soleil direct. Dans les climats plus nordiques, on prélève plutôt au printemps : les chaleurs de l'été ne seront pas trop intenses, alors que l'hiver vif mettra plus facilement en péril l'arbre ainsi fragilisé.

Le critère le plus important pour le choix d'un prélèvement est la qualité esthétique de l'arbre : inutile de prélever un arbre dont on ne pourra pas faire un bonsaï intéressant. L'autre, tout aussi important, est sa santé : mieux vaut ne pas prélever un arbre déjà très faible, qui risquerait de ne pas s'en remettre. Mieux vaut aussi renoncer à prélever un arbre qu'on ne saurait extraire avec assez de racines. Enfin, il faut pouvoir assurer ses chances de reprise, par des soins post-prélèvement appropriés.

Pour cela, le plus important est de prélever l'arbre avec le maximum de radicelles actives. Un test important consiste, avant le prélèvement, à tenter de remuer le tronc avec les doigts. Si le tronc bouge légèrement dans le sol, c'est mauvais signe : cela signifie que l'arbre a peu de racines, plutôt longues ; les radicelles seront donc très éloignées du tronc. Mieux vaut alors renoncer à prélever un tel arbre. Au contraire, lorsque l'arbre tient fermement au sol, cela signifie qu'il a beaucoup de racines près du tronc, et donc beaucoup de radicelles.

Au moment du prélèvement, on peut couper des branches totalement inutiles et encombrantes. Mais mieux vaut garder le maximum de branches pour assurer la reprise et conserver un éventail de choix pour la mise en forme. On creuse une tranchée autour du tronc, en isolant une motte d'un rayon suffisant, proportionnel à la taille de l'arbre, de chaque côté, ainsi qu'en profondeur. On dégage la motte et on rebouche le trou, de telle sorte que l'opération ne nuise pas au paysage. Si des parties de la motte ne présentent clairement pas de racines, on peut les enlever à la baguette. Mais éviter de toucher aux racines. On emballe fermement la motte dans un tissu humide, ficelé, pour qu'elle ne se casse pas lors du transport.

Une fois rentré à la maison, on déballe la motte. Là, il y a deux cas de figure. Ou bien l'arbre a poussé dans un sol argileux, ou bien dans un sol granuleux. Si le sol est argileux, il faudra, à la baguette, tenter d'enlever l'argile entre les racines, pour pouvoir transplanter l'arbre. Mais sans briser ni couper de racines. On peut également éliminer l'argile au jet d'eau, si la baguette ne permet pas de le faire sans dégâts. Puis placer la motte dans un substrat drainant, à gros grains, de telle sorte à ce que les racines soient bien en contact avec le nouveau substrat. Veiller à avoir au moins 5 cm de nouveau substrat entre les racines et la paroi du pot ou de la caisse de culture. Attention, si on a laissé une partie de la motte d'argile, à constituer un substrat qui ne sèche pas trop vite par rapport à l'argile au cœur de la motte. Rajouter, au besoin, de l'écorce de pin, voire un peu de terreau dans les régions très chaudes. On peut, par exemple, placer l'arbre dans un container rempli d'écorces de pin de calibre assez gros. C'est bien drainant, et tout de même très rétenteur.

Placer à l'abri du vent, à mi-ombre, ou en serre froide, vaporiser plusieurs fois par jour le feuillage, car l'arbre boira plus par ses aiguilles que par ses racines pendant quelques temps. Commencer à fertiliser doucement, à l'organique, aux signes de reprise. Protéger du gel. Ne faire aucun travail avant au moins le deuxième bourgeonnement en pot. Lorsque les nouvelles aiguilles poussent bien, et atteignent une bonne longueur, on peut alors être assuré de la reprise.

Si l'arbre est dans un sol rocailleux, ou sableux, placer la motte sans la défaire dans une caisse remplie d'un substrat à peu près aussi drainant, sans déranger les racines. Mêmes soins post-prélèvement. Si l'arbre a bien repris, au bout de deux saisons, on peut envisager un rempotage, avec taille sélective des racines, et élimination totale de la terre d'origine, afin d'adapter l'arbre aux dimensions d'un pot à bonsaï. Attendre encore une bonne année pour tout travail, de ligature ou de taille. Un désaiguillage est par contre possible.

Là encore, il faut que l'arbre ait repris vigueur, se soit bien acclimaté à la vie en pot, pour qu'il réagisse bien au travaux. Eviter donc de travailler la partie aérienne de l'arbre tant que les racines n'ont pas bien repris, dans un bon substrat. En ce qui concerne le prélèvement, on consultera avec grand intérêt les trois pages suivantes :

IV.7.5 Un arbre obtenu par semis

Le bouturage est très aléatoire sur le pin ; seuls le P.Thunbergii, et le P. parviflora " Zuisho " sont considérés comme reproductibles par cette technique, mais avec un taux de réussite modeste. Le marcottage, peu usité, semble pouvoir faire ses preuves (voir par ex. les conseils de Takuzo SUGI-MOTO, sur son site ). Mais le mode de reproduction le plus facile et le moins hasardeux est sans conteste le semis. On récolte les graines dans des pommes mures mais non ouvertes. On place les pommes sur un radiateur, ou derrière une vitre au soleil, jusqu'à ce qu'elles s'ouvrent. On récolte les graines, que l'on débarrasse de leurs samares (ailes). On conserve les graines au sec, à l'abri de la chaleur et de la lumière. Au printemps, quand il commence à faire bon, en avril, on plante les graines, sans stratification préalable, dans un bac à semis, rempli de sable grossier, voir dans un mélange de tourbe et de sable grossier. Au bout d'un mois environ, les pousses apparaissent, avec leurs premières " aiguilles ", qui sont en fait des cotylédons. Lorsque les premières vraies aguilles sont sorties, au bout de 2/3 semaines, on peut les dépiquer, tailler le pivot, et planter en godets individuels, ou mieux, en paniers de plastique ajourés pour plantes de bassins (substrat pin standard). On place à mi-ombre pendant 2 semaines, puis on place en plein soleil, et on commence à fertiliser à l'organique.


Si le plant pousse bien, on peut commencer à le former, par la ligature à l'alu, dès le premier automne. Si le plant n'est pas assez puissant, attendre encore un an, jusqu'à ce qu'il atteigne un diamètre d'un câble USB environ. On ligature à l'alu, la totalité du tronc, sans enserrer les aiguilles, ni les tailler. C'est important que le jeune plant ait le plus d'aiguilles possible. Mieux vaut ligaturer avec deux fils moyens serrés l'un contre l'autre qu'avec un gros, qui pourrait plus blesser l'écorce. De toute manière, pendant les premières années, l'écorce n'est pas formée : le fil peut mordre dans l'écorce sans danger : les marques disparaîtront.


L'idée est de donner une courbe au départ du tronc. Cela permettra de produire des pins de taille shohin, dont les courbes et les branches seront proches du nebari. Il faut essayer de produire des courbes en trois dimensions, et non simplement en deux, en exagérant même les courbures, car en grossissant, le tronc va absorber un peu les courbes. A ce stade, nous avons des jeunes plants d'une saison ou deux, en godet individuel ; l'objectif est alors de faire forcir le tronc. Il faut pour cela laisser filer la tête du plant, sans aucune taille : toute taille (metsumi ou mekiri) affaiblirait le jeune arbre, et retarderait le processus de formation. Pendant la saison de croissance, de jeunes bourgeons apparaissent assez spontanément sur le tronc, entre les aiguilles. Ils sont très importants, car ils vont permettre de produire les futures branches basses, surtout sur des shohin. On peut les aider en désaiguillant juste autour d'eux. Mais pas trop, car la présence d'un grand nombre d'aiguilles sur ces jeunes plants favorise le grossissement. A cette étape, la tête de l'arbre est une pousse de sacrifice ou " tire-sève ", que l'on coupera lorsque le tronc aura atteint le diamètre voulu. Et on refera la cime et les branches avec les petits bourgeons adventices du bas du tronc. Si des bourgeons n'apparaissent pas assez bas, on peut tailler la tête de la pousse : faire un mekiri en juillet. De nombreux bourgeons apparaîtront.

Ne pas hésiter à rempoter chaque année, en replaçant bien les racines à l'horizontale, en retaillant les plus longues. Et ceci pendant les 3-4 premières années. Car après, les racines ne pourront que très difficilement être déplacées et corrigées. Placer les plants dans une grande passoire ou dans un panier ajouré pour plantes de bassin, et laisser grossir, en choisissant des branches de sacrifice : une au sommet, et plusieurs au bas de l'arbre, pour en faire grossir la base. Essayer de les avoir plutôt à l'arrière de l'arbre, pour que les cicatrices de coupes ne soient pas visibles depuis la face. Sur ces branches, pas de taille ni de désaiguillage.

Par contre, sur les petites branches près du tronc, qui seront conservées, ne pas hésiter à faire un mekiri, pour commencer à densifier les branches. Lorsque le tronc aura atteint le diamètre désiré, sectionner progressivement les branches de sacrifice : en plusieurs étapes, sur plusieurs mois.

Pendant toute la phase de formation, désaiguiller avec parcimonie, seulement si un bourgeon que l'on compte garder ne reçoit pas assez de lumière. Ne pas faire de metsumi avant l'étape de l'équilibrage de la ramification, c'est-à-dire la dernière étape.

Engraisser très abondamment dès le début du printemps. Après 2-3 ans passés dans la passoire, placer cette dernière dans un pot plus grand rempli de substrat, sans dépoter l'arbre. Cela permettra aux racines de continuer à pousser à travers les trous de la passoire, sans avoir à dépoter l'arbre, et accélèrera le grossissement. Lorsque la ramification primaire est bien établie, que les branches de sacrifice sont éliminées, et qu'il s'agit de travailler les dernières étapes de la ramification, on peut rempoter dans un pot aux dimensions du bonsaï.

IV.7.6 Un " pré-bonsaï " à faire ramifier

Il s'agit d'un arbre en caisse ou pot de culture, acclimaté dans un bon substrat, dont le tronc a atteint le diamètre désiré, mais dont les branches ne sont pas formées, ni assez ramifiées. L'objectif est ainsi la formation et la mise en place des branches. A ce stade, il faut encore beaucoup engraisser : la réduction de la taille des aiguilles sera envisagée plus tard. Pour travailler la ramification, on doit provoquer un bourgeonnement arrière. Pour cela, il y a deux méthodes : la " méthode douce " consiste, au printemps de l'année 1, à laisser pousser librement chaque chandelle. Désaiguiller en août-septembre.

Au printemps de l'année 2, de petits bourgeons naissent là où on avait désaiguillé. On laisse pousser librement tous les bourgeons, surtout le bourgeon terminal qui stimule l'activité de toute la branche. En septembre de l'année 2, on sectionne le bout de la branche, au dessus des petits bourgeons, qui vont ainsi prendre le relais, et pousser plus fortement. La " méthode dure " se fait sur les arbres bien vigoureux : au printemps de l'année 1, on laisse pousser librement les chandelles. On désaiguille en août-septembre, on fait un mekiri deux semaines plus tard, en septembre, sur les pousses fortes et moyennes. On ligature en septembre-octobre. Au printemps de l'année 2, on obtient de nouveaux bourgeons en arrière sur les branches désaiguillées. On les laisse pousser librement. En septembre de l'année 2, on peut désaiguiller légèrement, et faire un mekiri sur les pousses fortes.

L'année 3, laisser pousser librement, voire faire un metsumi léger pour équilibrer les chandelles.

Addendum : quelques photos d’aiguilles ou chandelles


Bouregons sur plant de thunerg de deux ans

Bourgeon de pinus nigra

Pinus pentaphylla

Chandelles du sylvestre

Chandelles pentaphylla

Chandelles zuisho

Floraison du sylvestre

Bourgeons uncinata

Post mekiri sur thunberg

BIBLIOGRAPHIE

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