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Techniques japonaises

Écrit par Administrator

On encense les Japonais ou on les renie, tout dépend de l'approche qu'on a de leur maîtrise, de leur histoire, mais aussi de notre ego et volonté d'émancipation dans l'art du bonsaï. Cet article est le condensé d'une visite d'une quinzaine de jours au Japon, sous l'angle particulier des techniques mises en œuvre. Aucune volonté d'exhaustivité donc, le voyage fut 'malheureusement) trop court, ce qui suit est un échantillonnage de choses vues au hasard des pépinières.

De fait, la filière bonsaï au Japon est très structurée : il y les éleveurs qui vont créer un matériel de base, et les créateurs qui vont réaliser les opérations de finition, sublimer le " pré-bonsaï ". Cette vision est bien évidemment simpliste et le monde du bonsaï est plus complexe, mais il est intéressant de considérer que certains sont spécialisés dans l'obtention d'un matériel de base de qualité. Ce sont principalement eux que nous verront dans la suite de cet article car ils pratiquent ces méthodes au jour le jour et sur de nombreux arbres.

Faire grossir un tronc

Comment obtenir un beau nebari de feuillu, la réponse tient en quelques mots :

  • focaliser dans un premier temps sur le tronc et le racinaire.
  • Se donner le temps.

Les photos suivantes illustrent le stade final de ce processus dont la réalisation est simple : Depuis leur germination, les arbres sont élevés en pot uniquement, et transférés rapidement dans des caisses plates.

Les rempotages sont rapprochés pour favoriser l'étalement des racines et l'obtention d'une énorme conicité de base.
On ne focalise que sur ce point, ainsi que l'obtention d'un tronc régulier. Des tire-sèves permettent de guider la formation du tronc, et sont taillés après satisfaction de cet unique objectif : la conicité.

Les arbres sont ensuite placés en pot de culture.


Stade " final " de formation des arbres, création des branches primaires. On voit encore des cicatrices sur les troncs et les nebari.

Il y a bien sûr d'autres techniques, notamment pour les pins blancs dont des champs entiers sont cultivés, formés et prélevés lorsque le résultat est satisfaisant. Cet élevage est différent du fait de la culture en pleine terre mais aussi par la contrainte d'entretenir un feuillage suffisant pour la survie de l'arbre. 

Malheureusement, le voyage était trop court et nous n'avons pu visiter les zones de culture.

Créer des branches

Dans le stade suivant la formation du nebari et du tronc sont créées les branches. Elles seront pour une part obtenues par greffe. Dans les exemples suivants figurent essentiellement des greffes par approche sur des érables palmatum. On peut voir aussi des greffes traversantes.

Les porte greffe sont en général laissés une année, ensuite de quoi le sevrage est effectué en plusieurs étapes.



Autogreffes d'érables palmatum chez M. Akanuma. A droite, la greffe est en cours de sevrage.

On peut voir ce type de greffes sur beaucoup d'espèces : feuillus en général, azalées, prunus (pour rapprocher la végétation du tronc notamment).

Sur les pins, les techniques de greffes par approche avec des greffons sont également pratiquées.


Pin blanc greffé chez M. Wada

Déplacer une branche

On a vu un article récemment sur ce thème, avec une réalisation très impressionnante (voir Bonsaï focus). M. Kobayashi pratique ces techniques sur l'érable palmatum, mais aussi sur les azalées.

D'abord le principe :

L'arbre a un nebari et une conicité établis. Mais la tête présente un problème réel avec un coude disgracieux, et une branche en dessous en opposition avec une autre donc mal située.

La technique consiste à déplacer cette branche.

La greffe s'opère en trois étapes principales :

Et le résultat en image sur un érable au stade " année n+2 "


Non M. Kobayashi ne veut pas greffer de l'azalée sur un palmatum. Il explique le principe du déplacement de branche.

Notez que la greffe de la branche doit être particulièrement soignée avec taille de " l'insert " de la branche en cône, de manière à faire coïncider les cambiums (voir l'article de Bonsaï focus).

Refermer une grosse coupe

Dans la vision du bonsaï japonais, il n'est pas question de shari ou d'uro-miki sur un feuillu encore que ce soit pratiqué sur les prunus (cas à part) mais aussi sur les aubépines...

Cette convention là n'est que peu respectée en Europe : les arbres issus de yamadori sont nombreux, le prélèvement est généralement associé à de grosses coupes, qu'on juge impossible à refermer.

Cet un grand étonnement de voir qu'au Japon, ces grosses coupes sont traitées année après année avec l'objectif de les résorber.

Sur les images ci-dessous, on peut observer ce genre de coupes sur des plaies de plus de 10 cm de diamètre :



Coupes de 10 cm et plus en cours de cicatrisation sur érable palmatum et greffe en pont sur pseudocydonia (notez que les jeunes plants sont maintenus par des clous aussi au milieu de la cicatrice)

Du dire des professionnels pratiquant ce genre de greffes, une plaie de ce type peut refermer en 7 à 8 ans.

Les techniques font aussi appel au film d'aluminium autocollant sous lequel le cal cicatriciel est réputé mieux se former sous l'effet de la chaleur :

Après la taille, les plaies ont été recouvertes de film autocollant, y compris sur les racines

Former des shohin

Le monde du shohin est fascinant : que d'efforts pour un petit arbre. Et leur obtention est aussi variée que les styles possibles.

Création de " sumos " d'érables : marcottage.

La création de sumos se fait par marcotte aérienne sur des arbres de plein champ ou cultivés en pot profond. Les arbres sont taillés de manière à créer des bourrelets cicatriciels sur de grosses coupes. Ces coupes cicatrisées, elles sont marcottées.

Pieds mères pour création de shohin dans une pépinière de Angyo.Un petit arbre est né !


Principe :

Un plant mère est taillé de telle manière qu'il va créer une belle inversion de conicité sur un embranchement. Des tire-sèves sont entretenus pour faire grossir le nœud.

Dans une moindre mesure mais de la même manière sont créés des shohin d'érables shishigashira :

Autres styles de shohin

Tout se fait à partir de semis et d'élevage à grande échelle dans des pots individuels.

Voici un échantillon de différentes espèces.

Jeunes pousses de zelkova, les racines sont trop fines pour être attachées. C'est donc le tronc qui est immobilisé. Notez le substrat

Zelkovas plus âgés traités en balai dans une pépinière de Angyo.



Création de bosquets d'érables à gauche. A droite chez M. Toyoda, c'est le temple du " petit " : cryptoméria, ilex, érables, genévrier, pin…Ces arbres sont formés et ligaturés tout jeunes.

Juniperus, tanuki ou non ?

Nous avons visité un producteur bien particulier. Dans son jardin étaient présents de grands juniperus, en culture.

Après avoir bien regardé ces arbres nous est venu une interrogation, étaient-ce des tanuki ?

A cela quelques indices : le maintien par des fils de certaines parties de veines vivantes et un enracinement pas tout à fait " naturel ".

Certaines précautions ont été prises pour la réalisation de ces arbres :

  • création d'une gorge dans le bois avec une vue en coupe bien particulière en forme " d'Oméga ".
  • La gorge est réalisée dans le sens des fibres.
  • L'arbre est mis en culture de manière à ce que la gorge se comble puis que le plant recouvre la surface du bois mort. Il ne sera mis en forme qu'après obtention d'une incrustation crédible.

Un facteur là encore, le temps : l'arbre ci-dessous a été implanté dans son bois mort il y a… 50 ans !

Tanuki ou non ? Peu importe, le résultat est convainquant. Nos actions visent à donner artificiellement un caractère de vénérabilité à des sujets moins vieux qu'ils ne paraissent. L'incrustation est une technique pour y arriver, et au regard d'autres moyens, le chemin parcouru est long pour que le tanuki devienne naturel.

Alors non, ces arbres n'ont pas à être jugés comme des artifices.

Et la suite ?

Voir la mise en œuvre de ces techniques permet d'étendre les possibilités d'améliorer un arbre et de créer un matériel de qualité. Mais s'il y a une approche qui marque lors des visites de toutes ces pépinières, c'est le temps et la compréhension qu'un arbre doit être travaillé sur de longues années voire plusieurs générations.

Certes, le volume d'arbres est impressionnant, les pépinières présentent tous les stades d'évolution d'un bonsaï de sa germination aux phases d'achèvement, mais il est frappant pour un occidental de constater qu'un fils peut travailler l'arbre de son père, créé un demi-siècle plus tôt.

M. Andô a aujourd'hui plus de 70 ans, et il sème…