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L'esthétique des forêts

Écrit par Christophe Durandeau

Pour construire une forêt, nous devons nous inspirer très largement des bosquets, bois et autres forêts. Chaque arbre est en compétition avec son voisin pour un élément essentiel : la lumière. Une forêt en bonsaï doit inévitablement évoquer ce combat : mais on est dans la simplification et certaines dispositions naturelles devront être évitées.

S'inspirer de la nature

Une belle forêt offre au promeneur un spectacle harmonieux. Mais comment définir l’esthétique d’une forêt, qu’est ce qui la rend belle ? Les essences qui la composent, la hauteur des arbres et leurs rapports de hauteurs, la densité de son peuplement, vont par exemple influer directement sur la beauté.

Il existe un adage souvent utilisé en esthétique qui décrit la beauté comme une unité dans la multiplicité. La beauté est un délicat équilibre entre ces deux forces contraires. Si la forêt n’a pas en elle quelque chose qui assure sa cohésion interne, qui unifie, alors notre regard se disperse. Il n’y a plus une forêt mais un arbitraire éparpillement d’arbres. Mais si la forêt manque de quelque chose qui la diversifie, alors l’uniformité devient monotone.

Nous devons appliquer cet adage lors de la création d’une forêt en bonsaï. Tous les arbres devront être de la même espèce (l’unité), mais chaque arbre doit avoir de l’intérêt et il devra y avoir des points focaux dans la composition.



Les arbres, de part leurs caractéristiques intrinsèques, participent aussi à l’esthétique, selon leur port propre, l'allure de leur feuillage, les proportions du tronc et des branches, etc… Un grand chêne peut avoir une beauté majestueuse ; pour un érable on parlera plutôt de grâce. Il y a ainsi des forêts majestueuses, grandioses, pittoresques, gracieuses, poétiques, mystérieuses, tragiques, jolies, somptueuses, etc.. Chaque genre de forêt a son atmosphère particulière.



Si les proportions et les dimensions des arbres contribuent à créer cette atmosphère, la silhouette des arbres aussi : un tronc très contourné ou tordu relèvera plus facilement du pittoresque que du grandiose. Une forêt d’érables est tout en grâce et en finesse, avec la délicatesse de son feuillage, et l'élégance de ses troncs. Une forêt de sapins est bien plus virile à cause des contrastes de lumière et d'ombre, de la noirceur de ces ombres, de la hauteur fière des grands arbres, et du port déjà droit et régulier des plus petits.

Dans une forêt on distingue plusieurs étages de végétation :

  • L’étage dominant, formé par les essences qui prennent rapidement de la hauteur à la recherche de la lumière.
  • L’étage dominé, formé d’arbres plus petits ou d’arbustes poussant sous le couvert des essences de lumière
  • Le tapis végétal, véritable couverture vivante, est formé suivant la nature du sol et le climat, de fougères, mousses, graminées…

La séparation distincte de ces différents étages participe à l’esthétique générale de la forêt.

Les arbres des forêts n’ont que deux origines : les semis naturels et les rejets de souche. Lorsque ce peuplement se constitue au hasard, il donne naissance à la forêt sauvage. Qui n’a jamais été surpris, à la lisière d’une forêt, du désordre apparent dans lequel se développe la végétation, puis remarqué la place spécifique occupée par chaque essence et finalement admiré l’ordre naturel y régnant ?

Merci à Gilbert pour les photos en forêt de Rambouillet (son blog : http://passionnature78.canalblog.com/)

Implantation générale des arbres dans le pot

Une forêt en bonsaï s’inspirera largement des constatations précédentes, tout en les simplifiant. En bonsaï il suffit de quelques arbres judicieusement agencés pour donner l’illusion d’une forêt séculaire.

La forêt sera plantée dans une poterie plate, ovale ou rectangulaire (à réserver aux grandes forêts). Il est aussi possible d’utiliser une lauze ; choisissez là très plate et de forme irrégulière, idéalement en forme de haricot.

Toutes les dispositions qui donneront une illusion de symétrie seront évitées. C'est pour cela que le nombre d'arbre doit être impair (le nombre n'a plus d'importance quand les arbres sont nombreux, au-delà de 11).

Evitez les intervalles réguliers et les alignements, cela rendrait la composition trop artificielle. Parfois les racines empêchent de les rapprocher de trop ; il ne faut pas hésiter à tailler tout un coté du pain racinaire afin de permettre le rapprochement de certains arbres (on laissera toutes les racines de l'autre coté). On coupera aussi toutes les branches qui se trouvent entre les deux troncs. Si 2 ou 3 arbres se retrouvent ainsi accolés, cela procure un effet esthétique intéressant.

On ne placera pas d'arbre sur les axes médians de la poterie (moitié et quart) : l'œil humain a une grande faculté à détecter ces positions.

Evitez de placer des arbres à l’avant du pot, il faut donner l’impression que l’observateur est devant l’orée d’une forêt. Le regard doit pouvoir se plonger à l’intérieur. On ne placera donc pas de petits arbres devant car ils vont casser l’effet de perspective. Les petits arbres seront placés derrière ou sur les cotés, donnant l’impression qu’ils sont éloignés de l’observateur (les arbres sont petits car ils sont loins).
Les espaces vides ont ainsi une grande importance, car ils donnent du dynamisme à la forêt. Ne plantez pas des arbres sur toute la surface du pot ! Les espaces vides à gauche et à droite ne doivent pas être identiques (toujours éviter les symétries).

Pour les forêts avec peu d’arbres (5 ou 7), on évitera d’utiliser des arbres de même grosseur de tronc et de même hauteur.

Exemples d’implantations à éviter


Alignement des arbres


Implantation en carré, les arbres de derrière sont maqués, manque de perspective


Triangle équilatéral et alignement des arbres


Implantation générale exagérément décentrée


Implantation en façade qui casse les lignes de fuite, mauvaise position de l’ensemble dans le pot


Implantation trop sur l’arrière

Esthétique d’ensemble

A partir de 11 arbres, plusieurs groupes peuvent être formés. Chaque groupe devra avoir une taille différente. Généralement nous trouverons le groupe principal (le plus grand, le plus épanoui), le secondaire moins important, puis le troisième plus petit, que l’on placera à l’arrière pour la perspective.  Pour chaque groupe, il y a un arbre dominant, sans qu'il soit de même taille et de même grosseur que les arbres dominants des autres groupes. Les 3 cimes doivent être détachées et se trouver à des hauteurs différentes.

Les arbres des bords s'inclinent généralement vers l'extérieur de la forêt, comme pour simuler le combat pour atteindre la lumière. L’inclinaison pourra être plus ou moins marquée, et nous utiliserons cette caractéristique afin de donner plus de volume à notre forêt.

Par contre, l'inclinaison ne doit pas être identique des deux cotés de la forêt, toujours pour éviter toute sensation de symétrie.

Dans tous les cas, l’inclinaison des arbres doit être cohérente. Les lignes formées par les troncs et les branches charpentières doivent être ordonnées (la forêt ne doit pas ressembler à un fouillis).



Tous les troncs doivent être visibles ; toutes les branches doivent être à des hauteurs différentes et on doit toutes les voir. On évitera ainsi de cacher les troncs des arbres par les branches, il faut que l'œil puisse pénétrer dans la forêt.

Pour éviter un enchevêtrement inextricable, on supprimera les branches partant vers l'intérieur de la forêt. Seules les branches externes formeront la silhouette générale de la forêt.

Les arbres principaux n’auront généralement pas de branches basses. Cela se comprend car les branches à l’intérieur de la forêt reçoivent peu de lumière et meurent. Il ne reste donc du feuillage qu’au sommet de chaque arbre et sur le pourtour.

Le feuillage de la forêt s’inscrira dans un triangle, mais il ne devra être ni isocèle, ni équilatéral. La partie la moins pentue devra s’ouvrir sur la partie la plus dégagée du pot. La cime de la forêt ne sera pas pointue, mais arrondie. S’il y a plusieurs groupes, chaque cime du groupe sera arrondie.


Vous donnerez aussi plus d’intérêt à votre composition si vous aménagez du relief sous chaque groupement d’arbre. Le relief le plus haut sera au niveau des plus grands arbres.

Exemples de forêts en exposition



Forêt d'érables palmatum - Michel OTTO



Forêt de charmes - François JEKER (photo Lusso)





Forêt d'érables palmatum - Bruno AUVINET (photo Jasper)




Forêt d'épicéas - François JEKER